L’importance de la reconnaissance

La lutte contre l’insécurité alimentaire est rigoureuse, car l’écosystème alimentaire mondial est truffé de préjugés. Les entrepreneurs alimentaires noirs sont confrontés à des épreuves humiliantes lorsqu’ils cherchent à obtenir de l’aide et du financement. En fait, ils sont aux prises avec un système qui les empêche de progresser. Les données révèlent que les Noirs ne sont représentés qu’à hauteur de 4,9 % au sein de l’industrie alimentaire, ce qui met encore plus en évidence la dure réalité de leur marginalisation. Ils sont considérés comme des citoyens de deuxième ordre. Il s’agit d’un rappel retentissant des préjugés systémiques qui sapent la reconnaissance de l’importance historique des entrepreneurs noirs et qui perpétuent leur exclusion de l’industrie.   

Janice Bartley, fondatrice de Foodpreneur Lab, souligne l’importance de l’accès aux terres. Elle décrit les obstacles auxquels sont confrontés les entrepreneurs alimentaires noirs. Ces obstacles délibérés, qui sont souvent des formalités administratives imposées aux agriculteurs noirs, les empêchent d’obtenir des fonds, ce qui crée davantage de retards dans le système. Le Foodpreneur Lab est une plateforme numérique qui vise à mettre en relation des entrepreneurs et fournisseurs alimentaires noirs avec des producteurs de biens de consommation emballés. Mme Bartley conçoit Foodpreneur comme le premier carrefour de connaissances sur l’alimentation, un lieu où l’on trouve des informations précieuses, des ressources abondantes et un réseau de membres qui se soutiennent mutuellement. 

Constatant qu’on demande une réforme du système alimentaire complexe à l’échelle nationale, Mme Bartley s’est trouvée en position d’aider à simplifier le parcours des entrepreneurs alimentaires noirs.

Nous essayons de minimiser les risques pour eux, de leur apprendre à quoi ressemble l’écosystème alimentaire et où se trouvent les occasions de croissance.

Forte de trois décennies d’expérience dans le domaine de l’entrepreneuriat et de la gestion d’accélérateurs et de pépinières d’entreprises, Mme Bartley est bien placée pour offrir des connaissances, ainsi que soutenir et aider les personnes en situation de vulnérabilité à accéder aux bonnes ressources.

Un récit de prise en main

Lorsque les données indiquent que vous ne représentez qu’une fraction d’un échantillon plus large, il peut être facile d’intérioriser cette situation et de penser qu’il s’agit d’un reflet de votre valeur, d’une représentation en quelque sorte de qui vous êtes et de combien vous contribuez. L’impression que vous avez des possibilités qui s’offrent à vous et de votre potentiel devient alors limitée.

Les enseignements historiques associent souvent l’histoire des entrepreneurs noirs à celle de récits de prise en main, perpétuant ainsi l’idée que le succès ne peut être obtenu que par l’effort individuel. Ce récit ne tient pas compte des structures systémiques qui perpétuent l’inégalité, en veillant à ce que, pour que quelqu’un atteigne le sommet, quelqu’un d’autre doive inévitablement occuper le bas de l’échelle.

Dès lors, comment pouvons-nous transformer le récit de prise en main en récit où les agriculteurs noirs sont intégrés dans un contexte plus large où les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde et où des pratiques équitables sont adoptées? Où un soutien et un mentorat adéquats garantissent l’accès aux terres? Quand les agriculteurs noirs seront-ils reconnus comme des partenaires essentiels à la production d’aliments de qualité et à l’élimination des carences d’un système alimentaire défaillant?

Foodpreneur Lab a soutenu 154 agriculteurs noirs partout au Canada. L’entreprise a créé des liens au sein d’une communauté qui a pu partager des expériences similaires lorsqu’il s’agit de naviguer dans l’industrie alimentaire. Afin de mieux comprendre ce que vivent les entrepreneurs noirs, l’entreprise a mené l’étude Africulture. Cette étude met en lumière leurs contributions méconnues au paysage agricole. L’approche a consisté en une analyse documentaire, un sondage sur la sécurité alimentaire et des groupes de discussion.  

Les points de vue que nous avons entendus des 1000 Canadiens noirs sur la sécurité alimentaire ont mis en lumière une riche mosaïque d’expériences, soulignant la diversité des défis à relever. Mais ce qui aura peut-être le plus d’impact, c’est l’élaboration des recommandations issues de ces dialogues, méticuleusement adaptées aux désirs et aux besoins particuliers des agriculteurs noirs. Plus que de simples données, il s’agit de l’essence même de la compréhension, de l’empathie et de l’engagement à créer des changements positifs. À la base, nos réalisations vont au-delà des statistiques – elles incarnent un lien authentique, un récit partagé et une feuille de route pour un avenir plus inclusif et plus favorable pour les agriculteurs noirs du Canada.

Le pouvoir de la persévérance

Selon Mme Bartley, « la nourriture est la nouvelle monnaie. » L’insécurité alimentaire représente également un aspect important des difficultés économiques, en particulier lorsque l’accès à des options abordables et nutritives est restreint dans certaines communautés. Les agriculteurs noirs cultivent des produits alimentaires pour alléger le fardeau de l’insécurité alimentaire. Cependant, beaucoup d’efforts doivent être déployés pour dénoncer ce dilemme dénigrant. Il faut que les voix d’une communauté s’élèvent pour exposer et exprimer les expériences vécues dans le contexte de cette crise.

Personne n’écoute. À un certain moment, plus vous parlez, plus les gens commencent à vous écouter. Parce que vous ne disparaissez pas.

Les consommateurs doivent surmonter des obstacles inutiles pour avoir accès à un système alimentaire fragilisé. L’accès à des aliments de qualité abordables est un droit humain fondamental. En outre, les agriculteurs noirs doivent pouvoir cultiver des produits qui correspondent à leur héritage culturel et qui nourrissent leurs communautés. Comme le dit si bien Mme Bartley : « humaniser et légitimer. »